17 Jan 2011 Archive.org : une nouvelle arme dans la guerre des preuves sur internet ?

(Cet article a été publié il y a 13 ans.)

Dans la guerre que se livrent les acteurs économiques sur Internet, le problème de la preuve resurgit sans cesse. Comment démontrer a posteriori l’état d’une page web à un moment donné ? Les usagers du net ont la réponse : archive.org. Pourtant, les juges font preuve d’une certaine réticence à admettre cette preuve même si une ouverture progressive semble se dessiner.

Archive.org est une bibliothèque numérique qui a pour vocation d’archiver des pages web à différentes étapes de leur existence. Reconnu pour son sérieux et la pertinence de son  action (la sauvegarde du « «patrimoine culturel » qu’est le net), ce service est un outil intéressant pour voyager dans le passé du web. Pour la personne désirant prouver son préjudice venant d’un site web, c’est un moyen efficace qui ne peut être tenu en échec par une mise à jour hâtive du site concerné …

La justice a ainsi eu à se prononcer sur cette question : une capture d’écran d’un site web provenant des serveurs d’archive.org constitue-t-elle une preuve dans le cadre d’une action en justice ? La Cour d’appel de Paris avait clairement répondu non dans un arrêt du 2 juillet 2010. Le service ne présente en effet pas les garanties de sérieux nécessaires pour une utilisation dans un cadre légal. Il est impossible de vérifier par exemple de façon fiable qu’une capture d’écran correspond bien à l’état du site web tel qu’il était à la date indiquée par archive.org.

Un acteur international vient pourtant de porter un coup à cette analyse : l’Office Européen des Brevets. Cette organisation chargée de délivrer des brevets valables sur le territoire européen accepte à l’occasion d’un recours du 5 février 2010 que la capture d’écran issue d’archive.org prouve la date d’une divulgation d’invention. Le recours était assorti d’une déclaration notariée du responsable d’archive.org dans laquelle il certifie l’exactitude de la copie d’écran quant à sa date.  De plus, l’OEB reconnait dans ses directives recourir aux services d’archive.org, entre autres « sources respectées », comme élément de preuve lors de son examen.

Relativisons la portée de cette décision :

–          Archive.org n’a pas vocation à devenir la preuve décisive en matière d’Internet mais elle est nécessairement vouée à renforcer le dossier présenté au magistrat.

–          L’Office Européen des Brevets est une organisation internationale : le juge français conserve toute latitude tant que la Cour de cassation ne s’est pas prononcée.

–          Archive.org n’est pas une source infaillible : tout site web peut choisir de ne pas s’y faire référencer et les sauvegardes peuvent « omettre » certaines périodes.

L’appel du pied de l’Office Européen des Brevets aux juridictions nationales est explicite. Solution de repli, archive.org n’a pas encore obtenu la même force probante qu’un constat d’huissier (lorsqu’il est possible). Les évolutions à venir permettront probablement aux entreprises d’appuyer leurs accusations sur ce service de stockage simple d’accès et gratuit. Il convient de ne pas tirer de conclusions définitives sur ce point dans l’attente d’une jurisprudence claire et unifiée.

Pour l’entreprise en quête de preuves, le principal enjeu stratégique sera donc le temps, notamment dans des cas comme la diffamation où la prescription est courte (3 mois dès publication) et la preuve difficile.

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Bernard Lamon
Bernard Lamon
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