12 Sep 2011 Comment protéger un objet technologique par … le droit des dessins et modèles !

(Cet article a été publié il y a 12 ans.)

Comme je l’expliquais dans un précédent article, la protection d’un logiciel se fait d’abord par le droit d’auteur. Sous certaines conditions, on peut même protéger certaines inventions mises en œuvre par ordinateur par le brevet.

Mais dans certains cas, on peut même protéger le logiciel par des moyens juridiques qui ne tombent pas sous le sens. Par exemple, par une marque.

Dans la même catégorie des protections qui ne sont pas intuitives, on apprend qu’Apple vient d’obtenir le maintien d’une décision qui interdit à Samsung de vendre sa dernière tablette (la Galaxy Tab 10,1 pouces).

Une remarque préliminaire : je n’ai pas encore obtenu la décision, donc mes remarques sont sous réserves.

A première vue, cette interdiction aurait pu être prononcée pour violation de brevet, ou de marque. Eh bien, non ! dans la panoplie des droits de propriété intellectuelle, Apple est allé solliciter le droit des dessins et modèles (voir les articles L 511-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle).

Trois enseignements essentiels sont à en tirer.

Sur le plan de la procédure, la décision a été rendue par la Cour d’Appel de Düsseldorf, qui a maintenu une interdiction en référé qui avait été prononcée le 9 août dernier. Elle est probablement rendue sur le fondement de l’article 9 de la directive 2004/48 du 29 avril 2004 sur la lutte contre la contrefaçon.

La Cour d’Appel a refusé d’étendre le champ d’application de sa décision au-delà de ses frontières. D’un côté, cela paraît sage : le juge allemand reste compétent dans ses frontières. Du côté du titulaire du droit, la décision lui plaira certainement moins. Il faudra aller voir 27 juges nationaux pour obtenir la même décision… En fait, en paralysant la vente du produit dans les trois ou quatre pays essentiels en Europe, Apple aura déjà atteint son objectif.

Enfin, sur le fond, la décision me laisse interrogatif (souvenez-vous, amis lecteurs, que le juriste est le champion de la litote. J’ai peu de chances de plaider devant la Cour d’appel de Düsseldorf un jour, donc je pourrais me lâcher, mais c’est inscrit dans mes gènes, je tente de rester courtois…).

D’une part, la cour aurait statué que le design minimaliste de l’Ipad n’était pas la seule solution technique pour faire une tablette, et que d’autres designs sont possibles. La cour a aussi retenu que le client initié conserve une impression d’ensemble identique.

Le deuxième terme du raisonnement est habituel : pour décider s’il y a ou pas contrefaçon, on regarde l’impression d’ensemble, en se concentrant sur les ressemblances et pas sur les différences.

Quant au premier terme du raisonnement, il aboutit à permettre à Apple de se dire le seul titulaire du design minimaliste. En d’autres termes (attention : polémique) : on n’a plus le droit de faire simple sur une tablette, seul Apple a ce droit. Comme le dessin et modèle est protégé pendant 25 ans, nous sommes condamnés à n’avoir comme tablette simple que l’Ipad 2, 3, 4, 5, 6….

Enfin, la cour fonde sa décision sur la ressemblance entre la Samsung et un dessin déposé par Apple… mais pas sur son design actuel. Comme Apple dépose à tour de bras des quantités de dessins (qui ne sont finalement pas exploités dans le commerce), c’est la prime au dépôt de barrage : si une firme a les moyens, elle dépose tous azimuts. Elle gênera, même si en fait, elle n’utilise pas le titre de propriété intellectuelle.

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Bernard Lamon
Bernard Lamon
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