19 Fév 2014 Big Data, premier outil de l’organisation juridique : la base de données.

(Cet article a été publié il y a 10 ans.)

Dans la série des billets sur le Big Data et l’Open Data, le premier doit être consacré, à tout seigneur tout honneur, au droit de la base de données.

En effet, les grandes bases de données qui constituent le Big Data sont souvent embrassées par ce droit. Souvent mais pas toujours.

En préliminaire, une précision. En soi, la donnée isolée (mon nom, la donnée qui indique à un pixel s’il doit s’allumer en bleu ou en rouge, le numéro de mon TGV) n’est pas protégée juridiquement. Entendons-nous bien : les données-pixels qui représentent une photographie sont protégées par le droit d’auteur. Mais le droit d’auteur protège l’œuvre, pas la donnée qui la représente. L’usage de mon nom est réglementé par la Loi Informatique et Libertés.

Une œuvre peut être représentée de plusieurs manières. Par exemple, un poème de Baudelaire peut être écrit manuscritement, ou tapé sur un clavier. Les données du fichier de traitement n’ont pas plus de valeur juridique intrinsèque que le papier (à la différence qu’à l’origine, le papier blanc a été acheté dans une papeterie).

Le droit des bases de données est une spécificité européenne qui nous est jalousée des Etats-Unis par exemple. Il trouve sa source dans une Directive 96/9 du 11 mars 1996 qui a été transposée en droit français en 1998 aux articles L. 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. Cette réglementation protège le producteur de la base de données (celui qui investit) contre toute extraction de données. La condition essentielle pour que la protection juridique soit accordée est que le producteur prouve qu’il a investi dans la collecte, la vérification et la publication des données.

Deux décisions essentielles ont été rendues qui donnent l’orientation des tribunaux français et européens. Dans la première (CJUE, 9 novembre 2004, aff. C-203/02, The British Horseracing Board Ltd e.a. c/ William Hill Organization Ltd , l’équivalent britannique du PMU français), la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que la question principale pour déterminer si une personne qui demande la protection au titre du droit du producteur peut y prétendre est de savoir si l’obtention des éléments constituant la base de données, leur vérification ou leur présentation a donné lieu à un investissement substantiel de sa part, autonome par rapport aux moyens mis en œuvre pour la création des éléments contenus dans la base de données.
La CJUE est compétente pour trancher ce type de questions car il s’agit à l’origine d’un texte européen.

Les premières décisions françaises, avant cet arrêt, étaient un peu compliquées, et difficiles à comprendre. Après l’arrêt de la CJUE, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 5 mars 2009 (Cass. 1ère civ., 5 mars 2009, n°07-19734 et 07-19735, Direct annonces c/ Precom) que le producteur, pour bénéficier de la protection du droit des base de données, devait démontrer un investissement dans la publication, collecte et vérification des données. Dans cette affaire, la société DIRECT ANNONCES extrayait des données de sites d’annonces immobilières, et le journal s’en plaignait. Le droit du producteur de base de données lui a été refusé pour une raison de preuve : le journal n’avait pas prouvé avoir consenti un investissement indépendant de ce qui constitue son activité courante. En d’autres termes, l’investissement doit être séparable et la preuve incombe à celui qui prétend qu’il doit être protégé par le droit.

On dit parfois que les procès se gagnent à 80% sur les preuves et 20% sur le droit (les règles juridiques). La proportion est peut-être encore plus élevée en matière de base de données.

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Bernard Lamon
Bernard Lamon
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