04 Fév 2011 Avis aux prestataires IT : attention trop belles promesses !

(Cet article a été publié il y a 13 ans.)

La compétition économique est une guerre : la conquête de nouveaux marchés aiguise les appétits et la perspective de contrats excite la surenchère entre concurrents. Plus rapide, moins cher, des résultats conformes aux attentes exactes du client … Cette course aux promesses peut déraper et le secteur IT connaît les allongements de délais, les budgets dépassés ou encore les clients insatisfaits. Des conflits naissent et sont soumis à la justice. Loin de faire preuve de clémence, deux décisions, l’une britannique, l’autre française, sanctionnent durement le prestataire un peu trop « vendeur ».

Ces deux décisions sont remarquables par leurs similitudes : une société commerciale majeure (MAIF en France et British Sky Broadcasting outre-manche) confie après appel d’offres un projet d’intégration de système Customer Relationship Management à un acteur reconnu du secteur (IBM et EDS/HP) sur la base d’un cahier des charges incluant notamment le respect d’un calendrier « serré ». Des retards importants émaillent le développement et il est mis fin au contrat. Les clients exigent que le prestataire les indemnise pour les retards subis et pour les coûts supplémentaires engagés pour finaliser le projet eux-mêmes.

Dans les deux affaires, le juge a relevé que les promesses faites par le prestataire étaient non seulement très optimistes mais surtout formulées en toute connaissance de cause : le prestataire savait donc le projet irréalisable selon le calendrier et le budget prévus. Dans le cas anglais, le juge revient même longuement sur la « propension au mensonge » du cadre responsable du pôle CRM chez EDS ! Les fondements retenus pour condamner les deux prestataires  portent également la marque de la sévérité : le juge relève le comportement « dolosif » (ou fraudulent misrepresentation en droit anglais) des parties, l’équivalent (rarement utilisé en contentieux des affaires) en droit civil de l’escroquerie ou de l’abus de confiance. Les contrats étant affectés de ce grave vice dès le stade de l’appel d’offre, ils sont considérés comme nuls et les prestataires lourdement condamnés. IBM doit ainsi verser 11 millions d’euros de dommages et intérêts. EDS est lui condamné, après transaction, au montant record de 318 millions de livres pour un projet initialement chiffré à 48 millions de livres ! Les observateurs y voient le conflit judiciaire le plus important dans le secteur britannique des services informatiques.

Notons que dans les deux affaires, les prestataires n’ont pu être « sauvés » par une clause du contrat prévoyant une limitation de leur responsabilité. La solution n’est donc pas à chercher seulement dans l’ingénierie contractuelle ni le talent des rédacteurs mais aussi dans l’instauration de bonnes pratiques dans le secteur. Les responsables de projet, commerciaux et techniciens doivent plus que jamais prendre garde à ne pas faire miroiter l’impossible à leurs clients sous peine de multiplier les coûts. Quant aux clients, ils doivent prendre conscience que la mise en place d’un système informatique est une opération complexe qui nécessite préparation, expertise et donc moyens. L’offre miracle ou trop alléchante n’existe pas.

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Bernard Lamon
Bernard Lamon
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